La ponction lombaire (PL), ou rachicentèse, est un acte médical invasif qui consiste à prélever du liquide céphalorachidien (LCR), appelé également liquide cérébrospinal, en introduisant une fine aiguille entre 2 vertèbres lombaires.
C’est un examen simple et d’une grande valeur diagnostique dans de nombreuses pathologies, mais il n’est pas dépourvu de contre–indications et d’effets secondaires. Il est donc important de les connaître et de poser prudemment ses indications.
Qu’est-ce que la ponction lombaire ?
Le système nerveux central humain (SNC), représenté par l’encéphale (qui comprend le cerveau, le cervelet et le tronc cérébral) et la moelle épinière, baigne dans un liquide appelé « liquide céphalo-rachidien » ou « liquide cérébro-spinal ». Un liquide qui possède plusieurs rôles, notamment la protection et la nutrition des différents éléments du SNC.
La ponction lombaire est un acte médical qui s’effectue en milieu hospitalier par un médecin, qui consiste à prélever une petite quantité de ce liquide céphalo-rachidien (LCR) à l’aide d’une longue et fine aiguille creuse afin d’en analyser la composition cellulaire et chimique.
Vu l’anatomie du rachis et de la moelle épinière, la zone la plus sûre pour effectuer cette ponction se situe dans le bas du dos, au niveau de la région lombaire. Plus précisément entre les 4ème et 5ème ou entre les 3ème et 4ème vertèbres lombaires (entre L4 et L5, ou entre L3 et L4). En effet, la moelle épinière s’arrête au niveau de la première vertèbre lombaire. Il n’y a donc pas de risque de provoquer une lésion spinale (de la moelle épinière) par une ponction lombaire.
Quelles sont les indications de la ponction lombaire ?
Une ponction lombaire peut être indiquée dans un but diagnostique ou thérapeutique :
1- PL à visée diagnostique : lors de la suspicion de certaines atteintes neurologiques, la ponction lombaire apporte des arguments qui permettent de consolider et confirmer, ou bien d’éliminer certains diagnostics. Voici quelques exemples :
- Suspicion d’une maladie infectieuse touchant le SNC, qu’elle soit virale, bactérienne ou parasitaire. On peut citer à titre d’exemple la méningite bactérienne ou virale, l’encéphalite et la méningo-encéphalite.
- Recherche d’une hémorragie intracrânienne, c’est-à-dire la présence d’un saignement au niveau du cerveau ou entre ses différentes enveloppes. Bien que le scanner cérébral soit devenu l’examen de référence dans le diagnostic de l’hémorragie méningée.
- Diagnostic de certaines maladies inflammatoires du SNC telles que le syndrome de Guillain-Barré, la sclérose en plaques ou encore la sarcoïdose.
- Mesure de la pression du liquide céphalo-rachidien lors de la suspicion d’un trouble de la cinétique du LCR (hydrocéphalie : excès de LCR).
- Suspicion de méningite carcinomateuse (cancer).
- Diagnostic de certaines maladies dégénératives telles que la maladie d’Alzheimer.
2- PL à visée thérapeutique : on y a recours pour traiter certaines pathologies soit par l’injection de médicaments directement dans le LCR, soit par l’évacuation d’une petite quantité de LCR pour diminuer sa pression. Voici quelques exemples :
- Ponction lombaire évacuatrice : consiste à retirer un peu de LCR afin de soulager le patient atteint d’hydrocéphalie, c’est-à-dire ayant un excès de LCR.
- « Traitement médicamenteux intrathécal » : injection d’un médicament directement dans le LCR. Par exemple, l’administration d’une chimiothérapie directement au niveau du LCR à titre préventif chez un malade porteur d’un lymphome.
- Injection d’un produit anesthésique directement dans le LCR : on appelle cela une « rachianesthésie ». Elle est couramment utilisée en gynécologie, notamment dans le cadre d’un curetage ou d’un accouchement sans douleur (à ne pas confondre avec la péridurale). Ça permet d’anesthésier toute la partie inférieure du corps, incluant les membres inférieurs et les organes génitaux.
Quelles sont les contre-indications de la ponction lombaire ?
La ponction lombaire est, certes, un geste médical très fréquent et relativement simple, mais elle n’est pas pour autant anodine. Sa réalisation est formellement contre-indiquée dans les cas suivants :
1- Hypertension intracrânienne (HIC) : une ponction lombaire réalisée chez un patient atteint d’hypertension intracrânienne risque de provoquer un « engagement cérébral » ou « hernie cérébrale » pouvant sérieusement mettre en jeu le pronostic vital. C’est pour cela que la réalisation d’un examen clinique minutieux, voire un fond d’œil ou une imagerie, est systématique avant toute ponction lombaire.
2- Infection au niveau de la région lombaire : la présence d’une infection cutanée ou d’une brulure au niveau du point de ponction contre-indique la ponction lombaire, car il existe un risque de contaminer (infecter) le LCR et le SNC.
3- Thrombopénie et troubles de la coagulation : un manque de plaquettes ou une anomalie de la coagulation contre-indique une ponction lombaire, car il existe un risque important de saignement difficilement contrôlable. Ainsi, les patients hémophiles (atteints d’un trouble de la coagulation), ceux prenant un traitement anticoagulant ou antiagrégant plaquettaire (aspirine, clopidogrel, ticagrelor, etc.) doivent le signaler au médecin pour éviter toute complication liée à la PL.
Outre ces contre-indications claires et formelles, il faut savoir que le choix du patient est toujours pris en considération. En cas de refus catégorique de ce dernier malgré une explication complète et intelligible de la part du médecin, la ponction ne sera pas faite. Le consentement éclairé du patient est une règle d’or en pratique médicale.
Comment se déroule une ponction lombaire ?
La ponction lombaire est une procédure médicale invasive obligatoirement encadrée par un médecin. Elle comporte 2 grandes phases : la phase de préparation et la phase de réalisation de la ponction (phase de la ponction lombaire proprement dite) :
1- La phase de préparation et de mise en condition :
- Lieu : chambre calme d’un hôpital ou d’une clinique.
- Durée du geste : variable selon les conditions, 15 minutes en moyenne.
- Personnel : 2 ou 3 personnes incluant un médecin, un assistant (infirmier ou infirmière, aide-soignant…) et une troisième personne pour maintenir le patient bien courbé.
- Préparation d’un plateau de ponction lombaire : c’est l’ensemble du matériel nécessaire à la réalisation de la ponction. Il inclut notamment des gants stériles, une solution désinfectante (généralement de la povidone iodée ou Bétadine), du coton hydrophile, des compresses stériles, une aiguille de ponction fine munie d’un mandrin, des tubes pour collecter le LCR prélevé, un manomètre pour mesurer la pression d’ouverture du LCR…
- Positionnement du patient : position assise dos courbé en « faisant un gros câlin » à un oreiller ! La position couchée sur le côté gauche avec le dos courbé (comme un fœtus) est également possible. Cette position en dos rond permet d’augmenter au maximum l’espace entre les vertèbres lombaires pour faciliter la ponction.
- Médicaments : parfois, une légère sédation du patient permet une meilleure coopération et lui offre un meilleur confort. Particulièrement utilisée chez les enfants.
- Asepsie rigoureuse : le médecin enfile des gants stériles et procède à la désinfection minutieuse du point de ponction, mais également de toute la région lombaire et des ailes iliaques, en badigeonnant généreusement la peau avec de la Bétadine du centre vers la périphérie.
- Anesthésie locale : afin de permettre un geste le moins douloureux possible. Deux possibilités : le patch anesthésique (à porter durant 1 heure au niveau du point de ponction avant le geste) ou une classique injection d’un produit anesthésique local.
2- Phase de la ponction lombaire proprement dite :
D’abord, le médecin positionne l’aiguille au niveau de la région lombaire d’une main, exactement entre L4 et L5 ou L3 et L4, en prenant comme repère l’épine iliaque postérieure (saillie de l’os du bassin, gauche ou droite selon que le médecin soit droitier ou gaucher) qu’il palpe de l’autre main.
Ensuite, une fois le point de ponction localisé précisément, le médecin introduit l’aiguille selon un angle bien déterminé pour passer entre les deux processus épineux des vertèbres lombaires et traverser les différents plans : la peau, le ligament vertébral postérieur, la dure-mère et enfin l’arachnoïde.
Lorsque l’espace sous-arachnoïdien (là où se trouve le LCR) est atteint, il retire le mandrin pour laisser s’écouler le LCR. La pression d’ouverture est directement mesurée grâce à un manomètre. La quantité de LCR à prélever dépendra alors du but de la ponction lombaire.
Enfin, l’aiguille est retirée délicatement et le point de ponction est recouvert par un pansement stérile pour prévenir au maximum le risque infectieux.
Après une ponction lombaire, il est recommandé au patient de rester quelques heures en position couchée afin de limiter les céphalées qui représentent un effet secondaire courant.
Quels sont les risques et effets secondaires de la ponction lombaire ?
La ponction lombaire n’est pas dénuée de risques et d’effets indésirables. En voici les principaux :
1- Engagement cérébral : c’est la complication la plus redoutable ! Une ponction lombaire réalisée chez un patient présentant une hypertension intracrânienne, qui peut être due à une tumeur cérébrale par exemple, risque de provoquer une « sortie » d’une partie du cerveau à travers l’orifice magnum (situé à la base du crane). Une véritable hernie cérébrale ! Le pronostic vital est alors fortement engagé.
Heureusement, cette situation est devenue rarissime, car les médecins prennent mille et une précautions afin de s’assurer de l’absence d’hypertension intracrânienne avant une PL. Notamment par un examen neurologique rigoureux, un fond d’œil et éventuellement un scanner ou une IRM cérébrale.
2- Abcès épidural : infection circonscrite qui se développe entre la dure-mère (enveloppe la plus externe du SNC) et les vertèbres. Complication heureusement exceptionnelle, ne concernant généralement que les sujets immunodéprimés (diabétiques par exemple).
3- Infection du site de ponction : c’est le risque inhérent à tout geste invasif. Cette infection peut être due à une faute d’asepsie durant le geste (risque d’environ 1 pour 1000). Elle peut se restreindre à la peau, mais il est possible qu’elle s’étende aux plans profonds et même contaminer le LCR.
4- Fuite de LCR : un écoulement persistant de LCR par une brèche au niveau du point de ponction. C’est pour éviter cette complication qu’on utilise des aiguilles très fines dites « atraumatiques ».
5- Inflammation du site de ponction : rougeur, chaleur, gonflement et/ou douleur autour du point de ponction.
6- Douleurs lombaires : dans environ 30 % des cas. Localisées au niveau de la zone de ponction et ses environs. Elles sont généralement de courte durée et cèdent spontanément ou avec un simple antalgique type paracétamol.
7- Céphalées ou syndrome post-ponction lombaire : elles sont courantes et apparaissent dans les 48 heures qui suivent une ponction lombaire. Ce sont des douleurs qui sont ressenties généralement au niveau du front et de l’arrière de la tête. Elles augmentent en position debout et cèdent dans la majorité des cas dans les 2 à 4 jours suivant l’acte. Il n’est pas rare que les céphalées soient accompagnées de :
- Nausées,
- Vomissements,
- Vertiges,
- Bourdonnements d’oreilles,
- Vision floue,
- Photophobie (intolérance à la lumière),
- Baisse de l’audition.
Il faut savoir que le syndrome post-ponction lombaire touche plus fréquemment les femmes, les sujets jeunes (20 à 40 ans) et ceux qui ont l’habitude de présenter des céphalées ou migraines dans leur vie de tous les jours.
Son traitement repose sur la prescription d’antalgiques tels que le paracétamol. Si les céphalées persistent plus de 24 h et résistent au traitement antidouleur, un « blood patch » épidural peut être proposé au patient. Une technique qui s’effectue par un médecin anesthésiste dans un bloc opératoire qui consiste à injecter au patient au niveau du point de ponction 10 à 20 ml de son propre sang. Ceci permet une coagulation locale qui va colmater la brèche occasionnée par la ponction.
Références
[1] E. Cognat, K. Berengère, Z. Paul, A. Belbachir, et C. Paquet, « Recommandations HAS Ponction Lombaire », Rev. Neurol. (Paris), vol. 176, p. S114, 2020.
[2] « Prévention et prise en charge des effets indésirables pouvant survenir après une ponction lombaire », Haute Autorité de Santé. https://www.has-sante.fr/jcms/p_3067854/fr/prevention-et-prise-en-charge-des-effets-indesirables-pouvant-survenir-apres-une-ponction-lombaire (consulté le 10 février 2022).
[3] « Ponction lombaire » https://www.chu-clermontferrand.fr/Sites/Neuro/Adulte/Fiches%20Pratiques/ponctionlombaire.aspx (consulté le 10 février 2022).
[4] S. Chevallier, M. Monti, P. Michel, et P. Vollenweider, « Ponction lombaire », Rev Med Suisse, vol. 4, no 177, p. 2312‑8, 2008.
[5] A. Sidi, M. Sosnowski, et F. Magora, « Le traitement des céphalées après ponction lombaire », Cah. Anesth., vol. 32, no 1, p. 21‑24, 1984.
[6] C. Roos, D. Concescu, P. A. Plaza, M. Rossignol, D. Valade, et A. Ducros, « Le syndrome post-ponction lombaire. Revue de la littérature et expérience des urgences céphalées », Rev. Neurol. (Paris), vol. 170, no 6‑7, p. 407‑415, 2014.
[7] J. d’Anglejan-Chatillon, « La ponction lombaire », Neurol. Com, vol. 1, no 5, p. 0‑0, 2009.
[8] « Comment se déroule une ponction lombaire ? » https://www.ameli.fr/assure/sante/examen/exploration/deroulement-ponction-lombaire (consulté le 10 février 2022).
[9] « Urgences : quand faut-il faire une ponction lombaire ? », AlloDocteurs, 26 avril 2016. https://www.allodocteurs.fr/se-soigner-examens-medicaux-urgences-quand-faut-il-faire-une-ponction-lombaire-19299.html (consulté le 10 février 2022).